CHOC DES SAVOIRS : ATTAL PARLE, BELLOUBET SE TAIT, ET NOUS ?

Choc des savoirs : Attal parle, Belloubet se tait, et nous ?

Hier, jeudi 14 mars, conviés à un webinaire animé par G. Attal et N. Belloubet, les personnels de direction ont massivement exprimé leur opposition à la réforme, mais surtout leurs doutes quant à sa faisabilité. Essentiellement faute de moyens : Bercy vient de reprendre 700 millions, dont 500 de salaires, à l’Éducation nationale. Alors même que la mise en place des « groupes » « de niveaux » (ou « de besoins »? On ne sait plus, ce qui en dit long sur la dimension pédagogique de la réforme qui semble reléguée dans les limbes, étouffée par la nécessité de faire des économies et celle de satisfaire un certain électorat, prompt à se satisfaire de fausses évidences, et un gouvernement tout aussi prompt à se afficher sa capacité à agir) nécessiterait pour pouvoir fonctionner un volant de professeurs surnuméraires.

Balayant toutes les remontées du terrain, l’expertise des chefs d’établissement, leurs réticences et leurs inquiétudes, ainsi que celles des enseignant.e.s, les textes paraîtront samedi au Journal Officiel et lundi au BO. Et l’on peut aisément imaginer quils ne seront pas sans conséquences sur les services des enseignant.e.s.

En effet G. Attal déclare : « On a conçu les choses pour que le principe soit le groupe mais avec une dérogation : la possibilité de retrouver la classe entière sur une période allant jusqu’à 10 semaines dans l’année ». Cette ou ces périodes de classe entière sont censées permettre de repenser l’élaboration des groupes. C’est nécessaire pour ne pas enfermer les élèves dans une assignation à l’échec ou à la réussite tout aussi problématique l’une que l’autre. Mais a-t-« on » pensé aux implications pratiques d’une telle mesure sur le terrain à (manque de) moyens constants ?

Effectivement  « cela veut dire que les équipes de français et de maths devront travailler étroitement ensemble pour construire leur progression pédagogique » dit N. Belloubet, c’est une évidence, mais quand ?

Ce ne sont pas les deux demi-journées qui seront banalisées en juin qui suffiront à gérer la constitution et l’alternance des « groupes » sur l’année entière. « On fixe le cadre. Après vous apprécierez comment constituer les groupes et harmoniser les progressions pédagogiques » affirme N. Belloubet. Même si elle ne le dit pas, comment ne pas entendre « débrouillez-vous » ? Les enseignant.e.s n’auront qu’à faire du bénévolat sans doute.

Quand elle affirme aussi qu’il « va falloir des barrettes. C’est indispensable ». Bien évidemment ! Mais même ces barrettes viendront complexifier les emplois du temps et les rigidifier. Elles n'empêcheront pas la prise des moyens pour les mettre en place sur les heures d'autonomie et par conséquence le risque de disparition des langues anciennes, des TP de sciences et des dispositifs déjà existants. De même que disparaîtra la notion de classe : pour celles et ceux qui douteraient de ses effets délétères, il n’y a qu’à regarder ce qui se passe au lycée, où depuis la réforme Blanquer, la disparition du groupe classe fragilise et isole les élèves, en particulier les plus vulnérables.

Et comme si cela ne suffisait pas, à cela s'ajoute la révision des programmes du cycle 1 à 4 de 2024 à 2026 et la labellisation des manuels, « un outil important pour soutenir les professeurs », c’est vrai qu’ils vont avoir bien besoin de soutien eux aussi ! Mais pas d’inquiétude, « des ressources type vademecum seront en ligne sur Eduscol ».

Pour celles et ceux à qui la perspective de tant d’efforts et de travail donnerait des sueurs froides, le Premier Ministre s’empresse de fixer de nobles objectifs à sa réforme : « Qu’importe qu’on les appelle groupes de niveau ou de besoin. L’important c’est qu’il y ait la mesure et qu’elle permette la progression de tous », les groupes de niveaux « sont une mesure d’égalité ». La preuve c’est que « ceux qui ont acquis plus de facilité pourront aller plus loin ». Le propos, pour cynique qu’il est, a le mérite d’être aussi sincère que clair : certains seront donc bien plus égaux que d’autres…

Ainsi le DNB (diplôme national du brevet) deviendra obligatoire pour entrer au lycée, quelle que soit la filière, professionnelle, technologique ou générale. Quelle orientation alors pour les élèves qui ne l’obtiendraient pas ? L’apprentissage semble alors s’imposer comme un débouché « naturel », d’autant que le gouvernement maintient pour les entreprises l’aide à l'embauche pour un contrat d'apprentissage-d’un montant de 6 000 €- alors que cette dernière ne devait être que ponctuelle .

Sans doute, on pourra rétorquer que les parents des élèves en difficultés pourront demander en fin de troisième une « classe préparatoire à la classe de seconde » qui accueillera à partir de la rentrée 2025 « les élèves admis en seconde générale et technologique ou en seconde professionnelle mais n’ayant pas obtenu le DNB l’année scolaire précédente » . Certes, mais, d’une part à l’issue de cette classe, les élèves ne repassent pas le DNB mais obtiennent « une attestation de fin de cycle préparatoire à la classe de seconde » qui n’est pas un diplôme, et d’autre part, il n’y aurait qu’un établissement par département, qui n’ouvrirait qu’une classe, soient 36 places à destination de ces élèves.

Dans ce désastre, qui peut croire que l’inclusion de tous les élèves va se développer dans la sérénité et la bienveillance ?

Enfin, cette réforme ne porte-t-elle pas en germe l’annualisation des temps de service ?

Si les Chefs d’établissement se voient gratifiés de la promesse d’une augmentation de leur rémunération, il n’en est rien pour les enseignant.e.s et les personnels d’éducation, quelles raisons supplémentaires faut-il pour se mettre massivement en grève à partir du 19 mars ?

Pour SUD éducation, il y a urgence à donner au collège les moyens de fonctionner, il faut :

  • baisser le nombre d’élèves par classe,
  • recruter des personnels, enseignants, AESH, AED, CPE, Psy-EN, médico-sociaux, techniques, administratifs…
  • financer les options afin d’élargir l’offre de formation dans tous les collèges,
  • former les personnels aux défis de l’école : l’inclusion, la lutte contre les inégalités et les violences, l’accueil de tous les élèves, la reconversion écologique de la société.