Critiquer l’État d’Israël, ce n’est pas de l’antisémitisme !

L’Assemblée nationale a adopté mercredi 7 mai la proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’Enseignement supérieur après une adoption par le Sénat le 20 février dernier, au moment même où le gouvernement israélien affiche clairement ses objectifs de conquête de Gaza et d'expulsion de sa population.

Pour SUD éducation, organisation antiraciste, les actes et les paroles antisémites nous révoltent et doivent révolter. Nous ne devons ni fermer les yeux ni minimiser leur gravité. L’antisémitisme en France n’est pas un phénomène nouveau ni marginal, il fait partie de l’histoire française depuis des siècles et il n’est pas apparu avec la création d’Israël. Comme les autres formes de racisme, il est encore très présent, connaît une recrudescence et doit être combattu.

Mais cette loi n’est pas un instrument de lutte contre l’antisémitisme mais bel et bien une atteinte importante aux libertés académiques et d’expression et un instrument de répression sur les campus.

Les député·es ont en effet réintroduit la définition de l’antisémitisme de l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste). Cette définition consacre que « l’antisémitisme peut se manifester par des attaques à l’encontre de l’Etat d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive ». Ainsi, toute critique de la politique de l’Etat d’Israël peut être qualifiée d’antisémite. Cette définition elle-même est par ailleurs implicitement antisémite puisqu’elle lie le peuple juif et l’Etat d’Israël, le judaïsme et un Etat criminel. Cette définition est largement contestée : de la part d’institutions de l’ONU, de plusieurs associations juives, de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) et du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche lui-même. La politique de l'Etat d'Israël ne doit pas faire exception ; comme celle de tout Etat, elle doit pouvoir faire l'objet de critiques dans le monde universitaire et dans l'ensemble de la société. D’autant que des mandats d’arrêt contre le Premier ministre et l’ancien ministre de la défense d’Israël,  pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, ont été émis par la Cour pénale internationale (CPI).  SUD éducation dénonce tous les amalgames odieux entre antisionisme et antisémitisme

Les député·es ont également réintroduit l’article 3 de la loi, contre l’avis du gouvernement et de la commission des affaires culturelles. Cet article est dangereux puisqu’il instaure une nouvelle procédure disciplinaire pour les actes racistes et antisémites. Ces nouvelles commissions disciplinaires seront déléguées à l'échelon des régions académiques, directement sous l'autorité des recteurs, donc de l'autorité politique. Une justice d'exception pour des actes dont on a vu que leur caractérisation pourra être contestable. Ces dispositions visent directement à permettre une intensification de la répression des mouvements de solidarité avec la Palestine.

Cette loi constitue un grave recul pour les libertés d’expression et académiques, une grave atteinte à la démocratie  et une attaque majeure contre la solidarité essentielle qui s’exprime sur nos campus, par les étudiant·es comme les personnels, face à un génocide et un nettoyage ethnique à Gaza et en Cisjordanie occupée. La commission mixte paritaire va désormais se réunir dans le cadre d’une procédure accélérée afin de trouver un compromis entre le texte du Sénat et celui de l’Assemblée nationale. Il s’agit désormais de s’y opposer afin que cette loi ne soit pas  promulguée. SUD éducation appelle personnels et étudiant·es à se mobiliser contre cette loi, dans l’unité et la détermination.